Le texte et les photos de cette rubrique sur la flore d’Oléron ont été réalisés par François Marie Dit Robin et Guy Dupuy (reproduction interdite).
Par son climat et sa situation géographique l’île d’Oléron est certainement l’une des régions françaises les plus intéressantes pour la variété des espèces floristiques rencontrées (avec une mention spéciale pour les orchidées…) et pour la flore fongique, très particulière et souvent oubliée.
Les botanistes qui viennent herboriser régulièrement ne s’y trompent pas.
En fait tout concourt à l’excellence de cette biodiversité :
– Sa position géographique centrale lui permet d’héberger de nombreuses espèces que l’on est plus habitué à rencontrer soit dans la partie sud soit dans la partie nord de l’hexagone, et qui pour nombre d’entre elles trouvent sur Oléron leur limite de répartition. Situation privilégiée par rapport à l’hexagone, mais également, même si c’est moins évident, par rapport au continent américain : quelques plantes du nouveau monde, tel le cyprès de Lambert, se sont parfaitement acclimatées, ainsi que le cortège fongique, géastres et autres lépiotes, qui les accompagne …
– Baignée par le gulf stream notre île bénéficie d’un climat océanique, très doux et ensoleillé que l’on qualifie souvent de subméditéranéen…et, comme par hasard, nombreuses plantes ont trouvé là encore des niches écologiques adaptées : ainsi la forêt domaniale à Foulerot abrite la seule station d’amanite gracile (Amanita gracilior) de tout l’ouest de la France !!
– Ces influences très spécifiques s’ajoutent à une extrême diversité de la structure géologique et surtout pédologique des sols : l’ossature calcaire datant de l’ère secondaire a évolué au cours des époques, enrichie par les apports alluvionnaires de sable et d’argile et constamment modifiée de nos jours encore par les influences de l’homme (plantations de pins maritimes sur les forêts dunaires au XVIIIe par ex., urbanisation etc) et des éléments (courants, vents)… la carte pédologique est un véritable kaléidoscope et explique la grande variété des biotopes rencontrés. Les dunes occupent une place particulière et, si l’on inclut les forêts domaniales peuplées de pins et chênes verts, on peut considérer qu’elles couvrent plus d’un tiers de la plus grande île atlantique française. Elles sont formées de sables calcariféres, ce qui confère aux espèces rencontrées une originalité et une spécificité qui méritent attention et protection…
…… Mais remontons, tel un explorateur qui débarquerait par l’une de ces grandes plages de sable fin, à la découverte de quelques-unes de ces espèces, depuis cette zone dunaire jusqu’aux marais du centre de l’île :
A seulement quelques mètres des dernières écumes, érosion marine et éolienne, aridité et salinité, la dune blanche, en perpétuel mouvement, est certainement un milieu des plus inhospitaliers. Malgré ces conditions extrêmes, certaines espèces sont parvenues à s’adapter à ce milieu tel le liseron des dunes, le cakilier maritime), ou la romantique giroflée des dunes… Le gyrophragmium de Dunal merveille d’adaptation à ces rudes conditions trouve dans le sud de l’île son dernier sanctuaire national…
A mesure que nous remontons la dune, et à mesure que les conditions s’améliorent, la végétation se fait un peu plus dense : c’est le royaume de la dune grise qui parfois s’étire sur des centaines de mètres.
L’occasion d’observer les premiers. Bien que mesurant tout au plus quelques centimètres, la subtilité de cette orchidée n’a rien à envier à ses homologues tropicales et plusieurs millénaires d’évolution auront conduit à cette fleur étrange au labelle si bien étudié qu’il apparaît comme spécialement conçu pour leurrer ses insectes pollinisateur….
Le mycologue sera surpris de rencontrer en quantité le tulostome des brumes, sorte de vesse de loup sur pied ou l’inocybe de heim lié au quelques pins maritimes rabougris qui ponctuent ce milieux si particulier…et il sera ravi s’il peut cueillir quelques doridelles (pleurote du panicault), “le” champignon des oléronnais.
Alors que les lichens de la dune grise s’étendent à perte de vue, les revers de la dune forment çà et là de petites dépressions humides presque impénétrables.
Ces zones sont de véritables sanctuaires et peut être aurons-nous la chance de croiser le subtile Epipactis des marais, dont certaines colonies peuvent atteindre plusieurs milliers d’individus ou bien encore, cette petite espèce de la famille de primevères aussi appelée le Samole de Valérand. Ce type de biotope repose sur un équilibre incroyablement précaire et est donc par nature éphémère. Ainsi le développement naturel d’espèces arbustives conduit inexorablement à sa “fermeture” puis à sa disparition. Une gestion humaine adaptée permet par endroit de conserver et maintenir artificiellement ces milieux
Bientôt les premiers pins maritimes et chênes verts apparaissent, et avant de pénétrer au beau milieu de cette forêt littorale, arrêtons-nous quelques instants sur cette frange forestière pour observer ces délicates espèces, protégées au plan national, et emblèmes d’Oléron : le Cynoglosse et l’oeillet des dunes.
Que vous vous situiez “côté océan” dans la forêt de St Trojan ou “côté continent” dans la forêt des Saumonards, vous aurez toutes les chances de croiser au printemps au beau milieu de ces pinèdes la Céphalanthère rouge ou celle à large feuilles, à moins que vous ne croisiez le curieux orchis homme pendu.
Quantité d’espèces fongiques dangereuses, innocentes ou excellentes naissent suivant les époques dans ce milieu accueillant : la chanterelle modeste est à juste titre très recherchée , comme le lactaire délicieux et le cèpe de chênes verts… les vrais cèpes ne sont pas en reste dans certaines parcelles… mais c’est une affaire de spécialistes, n’est-ce pas ?
Après cette traversée rapide de la forêt littorale, nous y voici maintenant : la civilisation ! Traversons quelques routes, mais attention où nous mettons les pieds car sur ce terre-plein, ouvrage de l’homme moderne, pousse une pelouse où a élu domicile une drôle de colonie d’orchidées, le Serapias langue. Vous pourrez rencontrer au pied des mobil-home et caravanes ainsi que sur le bord des chemins ou les voitures ont stationné l’étonnant agaric des trottoirs qui éxige un sol trés tassé pour fructifier…et qui va jusqu’à soulever et percer le macadam…et pourquoi pas si vous avez beaucoup de chances, au printemps bien sûr, quelques belles et succulentes morilles”.
Des siècles d’activité auront été nécessaires à l’homme pour façonner les remarquables marais d’Oléron. Qu’ils soient secs, humides, doux ou salés, le nombre d’espèces qu’ils abritent est à l’image de leur remarquable diversité. Alors, bien sûr, le choix pour la photo est difficile, mais après quelques promenade le long des nombreux sentiers ou piste cyclables saurons-nous reconnaître l’Eufragie visqueuse ou encore la Guimauve officinale ? Pour la lavande de mer ou encore la très populaire salicorne, il nous faudrait se rapprocher du bord de mer à la découverte des marais salés. C’est là que vous recontrerez en automne le fameux « sanguin » des oleronnais : cet agaric parfois énorme n’est guère consommé qu’ici… mais vous pourrez toujours essayer, il n’est pas dangereux !!
Nous voici désormais au cœur de l’île et nous entrons maintenant dans l’un de ces villages au charme oléronnais. Ce milieu n’a rien de naturel, me direz-vous et pourtant au détour d’un jardin : Muscari à toupet, Poireau sauvage, et Orchis bouffon. Activité d’antan ou actuelle, l’homme participe par son action à transformer son environnement.
Naturel ou artificiel, chaque changement amène les conditions d’une autre diversité : une nouvelle donne parfois insoupçonnée pour de nouvelles espèces tout aussi remarquables.
Pour la flore, notamment les orchidées, nous conseillons l’excellent ouvrage publié en 2007, “les orchidées de Poitou-Charente et Vendée” JC Guerin, JM Mathé et A Merlet, Biotope, Méze, Collection Parthénope dans lequel sont entre autre décrites ” quatre ballades oléronnaises”.
©Photos et texte : Guy Dupuy et François Marie Dit Robin – Photo oeillets haut de page : Hugues Chemin